Nombre d’affaires ne pouvaient être discutées en
commun et relevaient des sections spécialisées. Le commissaire
dirigeant la section concernée rédigeait la minute, qu’il
signait puis passait à l’un de ses collègues pour
qu’il signe à son tour.
Vers une heure de l’après-midi, plusieurs membres se rendaient
à l’Assemblée, à l’autre extrémité
du château, où se débattait l’ordre du jour,
tandis que les autres restaient dans la salle du comité pour
traiter les affaires urgentes. Si l’une d’elles regardait
particulièrement un commissaire absent, elle était mise
de côté dans l’attente de son retour. Tous se séparaient
à six heures pour aller dîner. La séance reprenait
à huit heures pour ne se terminer que vers une ou deux heures
du matin.
Les commissaires avaient toujours du pain et de l’eau à
leur disposition. Des lits de camp étaient dressés dans
un coin du local.
Certains de ces hommes semblaient se distinguer de leurs collègues
par une activité plus intense. Il en était ainsi de Carnot,
par exemple, qui pouvait se consacrer quotidiennement pendant plus de
quinze heures à la direction des quatorze armées de la
République. On le voyait dresser lui-même ses cartes et
y promener son compas ou sa règle, écrire ses instructions
aux généraux, ou dresser le plan des opérations
à suivre aux frontières. Parfois convoquait-il un général
au château pour préparer avec lui un projet de campagne.
Comme Saint-Just était-il également envoyé en mission
aux armées.
Absorbés par leur travail, les commissaires n’avaient
nullement le temps d’écouter les rapports qui pouvaient
leur être présentés par oral. Barras vint un jour
leur rendre compte de sa mission dans le Midi : « Les membres
du comité, en me voyant entrer, restèrent assis et gardèrent
le silence, les yeux fixés sur leurs portefeuilles… Aucun
signe d’adhésion ou de contradiction ne fut donné
à mon rapport. Aucune question ne me fut faite… Lorsque
j’eus parlé et offert au comité de donner tous autres
renseignements qu’il pouvait désirer, Billaud, prenant
la parole sans être président, me dit sèchement
: ’Cela suffit, citoyen représentant. Le comité
t’a entendu et te fera appeler lorsqu’il aura quelque chose
à te demander. Tu peux te retirer’ ». Tous étaient
épuisés. « Nous ne dormons plus, écrivait
un jour Couthon. Je suis si accablé de fatigue qu’à
peine ai-je la force de vous tracer ce peu de ligne ». Et Robespierre
d’avouer au club des Jacobins : « Je déclare que
je reconnais mon insuffisance. Je n’ai plus la vigueur nécessaire
pour combattre les intrigues de l’aristocratie… Je sens
que mes facultés physiques et morales ne sont point au niveau
d’une grande révolution. »
De la fatigue nerveuse pouvait également découler les
algarades, qui se faisaient entendre jusque dans le jardin. Le comité
dut se transporter à l’étage supérieur.
Malgré les multiples travaux qu’il avait dû subir
pour pouvoir accueillir la Convention, le château restait exposé
à un certain nombre de dangers, notamment celui du feu. Le 14
fructidor an II (31 août 1794), plusieurs citoyens furent chargés
d’inspecter l’édifice depuis les caves jusqu’aux
combles, ainsi que l’égout qui en traversait le sous-sol.
Il fut décidé que Gisors et Leconte, inspecteur, feraient
désormais de même deux fois par jour, et que de fréquentes
patrouilles seraient ordonnées dans le jardin et le château,
la surveillance de la garde nationale redoublant de jour comme de nuit.
Neuf jours plus tard, Gisors et Leconte présentèrent leur
rapport sur l’état des canaux souterrains. L’aqueduc
qui passait sous la place de la Réunion était dans une
situation critique, ses murs s’étant en partie écroulés
du fait des vibrations causées par les voitures qui traversaient
le quartier. Cette situation n’était pas nouvelle ; dès
1775 avait été reconnu le misérable état
de l’aqueduc passant sous le quai des Tuileries. Les deux hommes
furent immédiatement chargés par le Comité des
inspecteurs de l’enlèvement de la vase qui obstruait le
canal, de la réparation de la voûte, de la reconstruction
des murs et de l’installation de grilles aux différents
embranchements des aqueducs.
Le danger de l’eau menaçait également le château
en lui-même. Un violent orage éclata le 30 floréal
an III (19 mai 1795) et une impressionnante quantité d’eau
inonda soudainement les combles avant de se répandre dans plusieurs
appartements. L’un des bureaux du Comité de salut public
fut très endommagé.
Une garde de sûreté était prête à
intervenir en cas d’incendie. Elle était composée
de six pompiers, deux couvreurs, deux fumistes, un maçon, un
serrurier et un charpentier. Des tournées avaient lieu toutes
les nuits dans les combles. Une sonnette destinée à signaler
le danger était suspendue à la façade donnant sur
cour. Le feu s’étant un jour déclaré dans
une cheminée, Gisors et Leconte durent fréquemment inspecter
tous les foyers.
La journée du 20 juin 1792 avait prouvé que le château
était également très vulnérable sur un plan
strictement topographique, et que sa position permettait à d’éventuels
manifestants d’en envahir facilement les abords. Tout comme Louis
XVI, la Convention ne fut pas à l’abri des soulèvements
populaires.
Le 31 mai 1793, vingt-cinq à trente mille hommes levés
dans de nombreuses sections cernèrent le château, et des
députations se succédèrent à la barre pour
exiger l’arrestation des vingt-deux principaux députés
de la Gironde et l’application du programme des sans-culottes.
Cette intimidation n’ayant pas atteint son but, un nouveau soulèvement
fut préparé et, le 2 juin, quatre-vingt mille insurgés
armés de canons vinrent bloquer les issues des pavillons de l’Unité,
de la Liberté et de l’Egalité pour forcer l’Assemblée
à voter l’arrestation des girondins. Ayant à leur
tête le président Hérault de Séchelles, les
députés décidèrent de sortir dans la cour.
Ils se heurtèrent au commandant de la garde nationale Hanriot,
qui ordonna : « Canonniers, à vos pièces ! »,
puis défilèrent dans le jardin au milieu des acclamations
des sans-culottes : « Vive la République ! Sauvez le peuple
! A bas les vingt-deux ! ». Réunis de nouveau dans la salle
des séances, ils votèrent sans débat le décret
d’accusation exigé par le peuple.