Sous la Terreur.

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La journée du 2 juin 1793 (dessin de Swebach-Desfontaines, gravé par Berthaut).

Plus sérieuses encore furent les journées qui secouèrent la Convention deux ans plus tard. Le 12 germinal an III (1er avril 1795), de nombreux manifestants des faubourgs exaspérés par la disette chronique parvinrent à pénétrer dans la salle des séances, où ils lurent des pétitions et réclamèrent du pain. La journée se termina sans incident, mais le répit de l’Assemblée ne dura pas longtemps. Le 1er prairial (20 mai), les émeutiers revinrent.

La séance commença par la lecture de la correspondance. Après qu’un membre du Comité de sûreté générale ait lu aux députés une brochure intitulée Plan d’insurrection du peuple pour obtenir du pain et reconquérir ses droits, que l’on répandait dans Paris, plusieurs députations furent entendues. Mais de nombreuses poissardes envahirent les tribunes quelques instants plus tard. Le cri répété de « Du pain » commença à se faire entendre, et bientôt les clameurs redoublèrent. Le président Vernier retira son chapeau et tenta de convaincre le peuple de se retirer. « Non, non ! répliquèrent les femmes. C’est du pain que nous voulons. » Ordre fut donné à la garde de faire évacuer les tribunes. Ce fut alors que des coups très violents se firent entendre. Le peuple avait envahi le pavillon de l’Unité et l’ancienne chapelle et tentait d’enfoncer la porte su salon de la Liberté. Le général de brigade qui était à la barre fut aussitôt nommé commandant de la force armée, fit évacuer les tribunes et repousser les manifestants. Deux meneurs furent conduits au Comité de sûreté générale. Les débats purent reprendre.

Mais de nouvelles vociférations accompagnées du cri de « Aux armes » résonnèrent derrière la porte d’entrée de la salle, laquelle fut brusquement forcée par la foule. La garde ne put la contenir. Les émeutiers, armés de fusils, de piques et de sabres, hurlant « Du pain » et coiffant des chapeaux sur lesquels figurait l’inscription « La Constitution de 93 », inondèrent le local en un instant. Plusieurs femmes obligèrent les occupants des premières banquettes à leur laisser leurs places, et plusieurs représentants furent insultés, préférant se réfugier au sommet des gradins. Le député Féraud, qui s’était opposé à l’entrée des insurgés et qui tentait de les repousser au pied de la tribune pour que Vernier n’en soit pas la victime, fut abattu d’un coup de fusil puis traîné par les cheveux hors de la salle. La tribune des orateurs et le bureau présidentiel furent submergés, et l’un des assaillants fit la lecture du plan d’insurrection du peuple en réclamant l’arrestation des membres du gouvernement, fréquemment interrompu par des cris de joie et des roulements de tambour. Ce fut à ce moment que l’on vit s’approcher, fichée au bout d’une pique, la tête du malheureux Féraud, qui fut présentée au président de l’Assemblée. Les derniers députés montagnards se joignirent aux émeutiers pour décréter une série de mesures d’exception.

La force armée parvint dans la soirée à libérer la Convention, aux cris de « A bas la Montagne, vive la Convention ! ». Le lendemain, les bataillons des faubourgs marchèrent de nouveau sur le château, mais acceptèrent ensuite de se retirer.

Pour rendre hommage à Féraud, l’Assemblée décida de placer au bas de la tribune une table de marbre blanc, sur laquelle son sabre, son écharpe, son chapeau et une couronne de chêne et de laurier furent déposés.

Une dernière menace pesa sur le château quelques jours avant la séparation de la Convention, lorsque les sections modérées et royalistes de la capitale entreprirent de déclencher une insurrection à la suite du vote du décret des Deux Tiers, stipulant que leur futur gouvernement serait composé aux deux tiers de conventionnels. Tandis que le mouvement se séparait, l’Assemblée organisa sa défense. Barras et Bonaparte en furent chargés. La rue de l’Echelle, la place du Carrousel, la cour du Manège, les quais, le Pont Neuf, le pont National et la place de la Révolution furent peuplés de soldats. La bataille eut lieu le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), mais les insurgés n’eurent pas le temps de menacer de près la Convention. Bonaparte les écrasa sur les marches de l’église Saint-Roch et sur les quais. Le combat fit environ cinq cents victimes.

Quant à l’Assemblée, elle se sépara vingt et un jours plus tard, laissant la salle de Gisors à la disposition du Conseil des Anciens.