La salle de la Convention.

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L’accès à la salle des séances pouvait se faire, soit par l’escalier du pavillon de l’Unité, soit par celui du pavillon de la Liberté. L’escalier d’honneur était réservé aux députés, tandis que le public devait emprunter, pour gagner ses tribunes, la galerie du rez-de-chaussée située entre le pavillon de l’Unité et l’ancien pavillon du Théâtre.

On entrait dans le pavillon de l’Unité par une magnifique porte, œuvre de Le Marchand, dont les deux vantaux comprenaient chacun quatre panneaux ornés de mufles de lions, et peints en bronze antique doré. Des palmettes, trèfles, fleurons et couronnes de chêne sculptés venaient s’ajouter à la décoration. Le grand vestibule dans lequel on se trouvait la porte une fois franchie avait un plafond couleur pierre et une corniche couleur terre verte. Les chapiteaux des pilastres étaient sculptés en argent. De là partait l’escalier principal ; sa rampe était de couleur verte, « pour donner le ton de la vétusté », son plafond de la même couleur que dans le vestibule. Au premier palier, celui de l’entresol, était la porte de l’ancienne chapelle.

Celle-ci, éclairée par quatre lustres, bordée de banquettes en velours cramoisi et ornée de quatre poêles de faïence à chacun de ses angles, avait sa voûte et ses parois peintes en manière de granit jusqu’au sommet des fenêtres, puis la couleur imitait le porphyre sur le reste du mur. Une frise composée des attributs de la Liberté et de l’Egalité, accompagnés de guirlandes et de médaillons renfermant les portraits de Brutus et Solon et garnis de nœuds de rubans, couronnait les deux portes de la pièce. Une rangée de vingt-quatre couronnes de chêne attachées par des guirlandes en ornait le pourtour. L’antisalle qui suivait, c’est-à-dire l’ancienne sacristie, possédait une décoration semblable. De là, on entrait de plain-pied dans l’ancien pavillon du Théâtre. Comme l’avait prévu Gisors dans son projet, une cloison séparait cet espace en deux salons. Le premier, dit salon de la Liberté, prolongeait naturellement l’ancienne sacristie en prenant jour sur la cour du château ; le second, dit salon des Députations, était dans l’axe de la terrasse du premier étage et regardait le jardin. Les deux pièces communiquaient par deux grandes portes.

La caractéristique majeure du premier de ces salons était l’énorme statue de la Liberté qui se trouvait au centre. Assise sur un grand dé soutenu par un piédestal peint en marbre-granit, orné d’une inscription en lettres dorées sur ses deux faces, de couronnes de chêne, d’une palmette et d’une branche de laurier, la figure tenait une sphère dans la main gauche et son bonnet dans la main droite, écrasant sous ses pieds le joug du despotisme. Habillée d’une aube et d’un manteau de toile, entièrement peinte en bronze antique, elle avait plus de 3 mètres de hauteur. Le sculpteur Dupasquier l’avait réalisée. Le plafond de la pièce était blanchi, la corniche, de couleur verte, sous laquelle s’alignaient des colonnes et des pilastres. Eclairé par quatre lustres , le salon, était bordé de banquettes provenant de la salle du Manège.

De multiples ornements vinrent progressivement le compléter. La Convention décréta en juillet 1793 que les tableaux, statues, bustes, dessins et estampes offerts à l’Assemblée depuis quatre ans y seraient exposés. Trois mois plus tard, ce furent les bustes de Voltaire et Rousseau qui vinrent l’orner puis, l’année suivante, des esquisses et projets de pendules. Le salon fut par ailleurs ouvert tous les jours au public. Il fut ensuite demandé à des artistes d’y placer leurs projets d’embellissement des barrières de Paris. En l’an III, une statue de Houdon représentant la philosophie, puis le modèle de l’équipage ayant transporté les chevaux de Marly s’y élevèrent à leur tour.

Après le salon de la Liberté venait un dernier vestibule. C’est là que l’on trouvait enfin la porte de la salle des séances de l’Assemblée, ornée de motifs en bronze et flanquée d’une grande draperie en drap vert que retroussaient des cordons rouges.

Bien que resserré par les piliers de pierre que Gisors avait conservé pour le soutien du comble, le local était immense : sa longueur était de 42,9 mètres, sa largeur de 14,8 et sa hauteur de 19,8. Il était éclairé par les fenêtres donnant sur le jardin et par un grand lustre percé dans le plafond, lui-même recouvert de toile grise. Un entablement couleur porphyre comprenant des ornements bronzés et situé sous les fenêtres faisait le tour de la salle, sous lequel pendait une grande draperie verte bordée de rouge, orné de couronnes et retenue par des cordons.

L’amphithéâtre destiné aux représentants du peuple s’élevait le long de la paroi située côté jardin, que l’on avait donc à sa gauche en entrant. Il était composé de dix rangs de banquettes s’élevant en gradins et se multipliant aux deux angles du local. Gisors avait renoncé à la forme semi-elliptique initialement prévue ; les bancs dessinaient donc des lignes droites parallèles au mur dans toute sa longueur, et ne se courbant qu’à ses extrémités. Les députés gagnaient leurs places grâce à deux escaliers de dix marches chacun, situées de chaque côté de l’amphithéâtre. Coussins et dossiers des banquettes étaient recouverts de bazane maroquinée de couleur verte, ceux du premier rang l’étant de peaux de Marseille également maroquinées. Les ministres avaient leurs sièges particuliers.

Face aux gradins des députés, au milieu de la paroi située côté cour, s’élevait une construction de bois composée de la tribune, du bureau présidentiel, situé derrière et plus haut, et des tables des secrétaires. On montait à l’estrade des orateurs par deux rampes d’escalier situées de chaque côté, deux autres rampes parallèles menant aux tables des secrétaires qui encadraient le président. Les différents bureaux étaient recouverts de drap d’Elbeuf de première qualité, ainsi que la tablette en chêne de la tribune, et ornés de chimères aux quatre angles. David avait exécuté les dessins du fauteuil présidentiel, drapé à la romaine. De hauts lampadaires se dressaient près du bureau. La décoration générale de l’ensemble présentait des fonds vert antique, ornés de pilastres jaune antique, aux chapiteaux de bronze, ainsi que trois ronds de porphyre feint. Sur les panneaux pleins étaient sculptés les mots Liberté et Egalité.

La salle des séances de la Convention nationale, lors de la journée du 1er prairial an III (dessin de Duplessis-Bertaux, gravé par Berthaut).

Entre la tribune de l’orateur et les gradins des députés était la barre, à laquelle on accédait par une petite galerie depuis le salon des Députations.

Dans les renfoncements percés dans les murs latéraux, au-dessus de l’entablement, deux rangs de tribunes étaient destinés au public, entre lesquels prenaient place les journalistes. Deux grandes arcades s’ouvraient également aux extrémités de la salle, sous lesquelles étaient aménagées d’autres tribunes populaires dont les banquettes étaient de couleur bleue.

Derrière le bureau présidentiel, dans un petit salon aménagé entre deux piliers de pierre, s’installaient parfois des membres du Comité de salut public pour y discuter des affaires importantes et recevoir des visites.

Une pendule était également installée dans la salle, provenant du Palais-Bourbon. Elle était l’œuvre du célèbre horloger Lepaute. Par ailleurs, trois autres horloges à timbre, marquant les heures, de 2 mètres de diamètre chacune, furent placées sur le pavillon de l’Unité, côté jardin et côté cour, et dans le vestibule qui précédait la salle des séances.

Les députés aimaient à s’entourer de figures d’illustres personnages, héros des temps anciens ou martyrs de la Liberté. Des socles en porphyre soutenaient ainsi, au-dessus de l’entablement, et entre chaque tribune latérale, de grandes statues d’hommes de l’Antiquité peintes en manière de bronze : Démosthène, Lycurgue, Solon et Platon du côté de la cour ; Camillus, V. Publicola, J. Brutus et Cincinnatus du côté du jardin. Des couronnes étaient suspendues au-dessus de leurs têtes. Un décret du 25 juillet ordonna le placement dans la salle des bustes de Brutus, Le Peletier et Marat. Le 15 brumaire an II (5 novembre), celui de Marat fut placé sur une colonne en face de la tribune. Le « Marat assassiné » de David vint encore s’ajouter à ces ornements, ainsi qu’un buste de Chalier. Un trophée de drapeaux enlevé à l’adversaire étranger se dressait au-dessus du fauteuil du président. En fructidor (septembre 1794), les drapeaux français, américain et genevois furent suspendus à la voûte de la salle.

La plupart des tableaux et des bustes évocateurs de la République jacobine furent finalement retirés le 21 pluviôse an III (9 février 1795). Les tables de la nouvelle Constitution furent accrochées de chaque côté du bureau présidentiel.