La salle de la Convention.

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Malgré sa majesté, la nouvelle salle de la Convention présentait de multiples défauts. Son acoustique était déplorable. Le député Couthon le constata très vite : « Cette salle est peut-être plus majestueuse que l’autre. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’elle est moins commode et que la voix s’y perd beaucoup plus. » « Cette salle, s’exclama encore Danton, est une véritable sourdine. Il faudrait des poumons de stentor pour s’y faire entendre. » L’air manquait par ailleurs de pureté car n’était pas facilement renouvelé. L’Assemblée décida en juillet de placer aux quatre coins de son local de grands vases remplis d’eau où tremperaient des branches de saule, afin que l’évaporation rafraîchisse les lieux, et de faire arroser la cour du château quatre fois par jour. Vers la fin de l’an II (septembre 1794) commença la construction de huit ventilateurs en brique dans le corps de garde situé sous la salle des séances.

Gisors fut en outre chargé de l’amélioration de la sonorité. Son rapport fut approuvé le 12 pluviôse an III (31 janvier 1795) et les travaux commencèrent aussitôt, exécutés de nuit. L’amphithéâtre des députés fut resserré, afin qu’ils soient « réunis dans une seule masse, sans aucune désignation de gauche, de droite, de Crête et de Montagne ». La barre fut disposée sur la partie supérieure du local. Deux vomitoires furent aménagés pour la circulation des pétitionnaires. Deux cents sièges supplémentaires furent installés à chaque bout de la salle à l’intention du public. Les tribunes des journalistes, qui absorbaient la voix des orateurs, furent condamnées. Quatre nouvelles sorties facilitèrent la circulation des personnes. La place la plus distante de la tribune n’en fut désormais plus séparée que par 12 mètres au lieu du double.

Ce fut en accueillant, non seulement la Convention, mais également ses multiples comités, que le château devint le véritable temple du gouvernement révolutionnaire. Chargés de préparer l’œuvre législative de l’Assemblée dans les domaines les plus variés, ils furent répartis avec leurs bureaux dans tous les appartements non annexés pour le service de la Convention proprement dite.

Le pavillon de la Liberté reçut, au rez-de-chaussée, le Comité des décrets et le bureau des inspecteurs de la salle — chargés de la police et de l’entretien des lieux — et le bureau des mandats ; au second étage, le Comité de l’agriculture et du commerce ; au troisième étage, le Comité de législation. Le Comité des pétitions, correspondance et renvois et la commission centrale s’installèrent sous le salon de la Liberté, au rez-de-chaussée de l’aile nord, près du corps de gardes des vétérans, des pompiers, des grenadiers, de la gendarmerie et de la garde nationale.

Les archives, la salle du comptable des assignats, le Conseil exécutif, le Comité de la Guerre, le Comité de la marine, la Commission de l’examen des marchés, le Comité de salut public et le Comité de division occupèrent la totalité de l’aile sud, ainsi que le garde-meuble et la lingerie.

Enfin, le pavillon de l’Egalité abrita le Comité des assignats et monnaies au rez-de-chaussée ; le Comité de liquidation au premier étage ; le Comité des finances, sur le jardin, et le Comité des contributions, sur la Seine, au second étage ; le Comité de l’examen des comptes, sur le jardin, et le Comité des ponts et chaussées, sur la Seine, au troisième étage.

L’imprimerie de l’Assemblée fut placée dans les écuries de l’hôtel de La Vallière, attenant à l’hôtel de Brionne, dans lesquelles il fallut percer des fenêtres et construire un plancher.

De tous ces comités, celui dont le rôle fut le plus décisif fut le Comité de salut public. Il se tenait dans les anciens appartements de Marie-Antoinette, au rez-de-chaussée et à l’entresol, sur le jardin, du corps de bâtiment terminé par le pavillon de l’Egalité. C’était par l’ancien escalier de la reine, situé contre ce pavillon, auquel on accédait par les deux dernières baies de la façade sur cour, que l’on pouvait s’y rendre. Quelques marches menaient au palier du rez-de-chaussée, puis l’escalier desservait les étages successifs. Ce palier se situait de plain-pied avec les différentes pièces se succédant jusqu’à l’ancien cabinet de Louis XVI, dans l’angle de l’ancien pavillon de Bullant, et prenant jour sur le jardin. L’étroit corridor sombre les séparait des salons éclairés sur la cour, que l’on avait converti en corps de garde.

Quelques appartements transformés en bureaux, comme l’ancienne salle du couvert, menaient au local du comité. Il était gardé à ses issues par des canons, et ornés de meubles splendides et de tapis des Gobelins. Un grand lustre l’éclairait. Comme dans les autres salons s’y dressait un faisceau de drapeaux tricolores.

Nombreux furent les comités qui ne purent conserver durant toute leur existence les pièces qui leur avait été primitivement accordées. Les bureaux du Comité de salut public absorbèrent en l’an II les anciens appartements du roi situés au premier étage, en chassant le Comité de division et le Comité colonial, puis le local du Comité des finances qui dut se transporter dans l’ancienne maison de Breteuil, d’où il chassa lui-même le Comité des secours publics qui avait quitté l’hôtel de Brionne. La garde des invalides dut évacuer sa caserne située contre le pavillon de l’Egalité pour que puisse en disposer le Comité de salut public. Le Comité de sûreté générale s’attribua le rez-de-chaussée de l’hôtel de Brionne où siégeait le Comité d’instruction publique. L’imprimerie dut quitter l’hôtel de la Vallière pour s’installer dans l’hôtel de Longueville, ce qui coûta 30.000 livres. De pareilles modifications se multiplièrent encore au fil des mois.

Les travaux d’aménagement du château ne s’étaient pas limités à son intérieur. Si la façade elle-même n’avait pas reçu de sensibles modifications — dont la plus importante fut toutefois la suppression des grilles qui fermaient les arcades de la galerie située au rez-de-chaussée entre le pavillon de l’Unité et l’ancien pavillon de Bullant, et la construction de piédestaux en pierre blanche dans ces arcades — ,il n’en était pas de même pour les trois cours, dont les murs et les baraques avaient été ruinés par l’incendie du 10 août 1792, puis remplacés par une palissade. Gisors fut autorisé à la supprimer en juillet 1793 pour élever à sa place un muret destiné à recevoir une nouvelle clôture. Celle-ci fut constituée de cinq grilles attachées bout à bout et prises au château, à l’église et au marché de Rambouillet, mais ne fut terminée que six ans plus tard. Dans les cours furent plantés mille tilleuls apportés de Versailles.

Quinquets et réverbères assuraient l’éclairage intérieur et extérieur du château, ceux des corridors brûlant jour et nuit. Si l’arrivée de la famille royale en avait déjà augmenté le nombre, les travaux d’aménagement de la nouvelle salle avaient porté celui des réverbères à quatre cent soixante-dix-sept. Au mois de juin, cinq réverbères supplémentaires furent placés dans la cour, cinq dans le jardin et six dans le château. La consommation de chandelles par les comités et leurs bureaux devenant par ailleurs considérable, il fut décidé de ne plus s’éclairer qu’à l’huile et la bougie, le suif n’étant plus utilisé que pour les illuminations exceptionnelles.

Dans une lettre du 22 brumaire an II (12 novembre 1793), adressée au président de l’Assemblée, le ministre Garat résuma le « tableau général des dépenses faites et à faire pour compléter l’établissement de la Convention au palais National. » Ces dépenses s’élevaient au total à 1.260.534 livres, réparties de la façon suivante : 350.239 livres pour la démolition de l’ancienne salle de spectacles et la construction de la nouvelle salle des séances ; 235.831 livres pour l’établissement des comités et de l’imprimerie ; 293.964 livres pour la construction du corps de garde au rez-de-chaussée, du salon de la Liberté et de l’antisalle, la réparation des combles, des croisées et du grand escalier et l’établissement du Comité de salut public, de ses bureaux et des différentes commissions ; enfin, 380.500 livres pour les travaux relatifs à l’extérieur du château, comme le mur d’appui de la grille, la plantation des arbres, la construction des ventilateurs et l’établissement d’un canal de salubrité sous la salle des séances de l’Assemblée.