La Constitution adoptée le 5 fructidor an III (22 août
1795), établissant le nouveau régime bourgeois, avait
confié le pouvoir exécutif à un Directoire de cinq
membres et le pouvoir législatif à deux conseils, celui
des Cinq-Cents et celui des Anciens. Or, si l’on put désigner
le palais du Luxembourg pour abriter le directoire, il fallut bien constater
que les Tuileries ne pouvaient en aucun cas abriter les deux conseils.
La salle du manège, quant à elle, avait acquis une si
mauvaise réputation dans les premières années de
la Révolution qu’il semblait difficile d’y songer
sérieusement.
La recherche d’un autre bâtiment pour abriter l’un
ou l’autre conseil s’imposait donc. Thibaubeau proposa sans
succès que les Cinq-Cents et les Anciens prennent possession
de Versailles. Le 8 fructidor (25 août), les Comités de
salut public, de finances et d’inspection chargèrent l’architecte
Gisors, assisté de commissaires, d’examiner les possibilités
offertes par les différents édifices nationaux. Huit jours
plus tard, Delleville présenta à la Convention un projet
de décret : « Le Conseil des Anciens sera placé
au ci-devant palais des Tuileries. Il comprendra les bâtiments,
cours, jardin et généralement tout le terrain soumis à
la police immédiate de la Convention nationale… »
Il poursuivit en écartant délibérément la
salle de Gisors, que l’Assemblée avait décidément
jugée trop imparfaite : « Il y sera disposé pour
les séances du Conseil des Anciens, dans la pavillon de l’Unité,
une salle convenable dans la proportion déterminée par
la Constitution, tant pour le nombre des membres délibérants
que pour celui des assistants, le tout conformément au plan qui
sera annexé au présent décret. » Quant au
Conseil des Cinq-Cents, le rapporteur proposait de le faire installer
sur l’autre rive, au Palais-Bourbon. Après un nouveau rapport
présenté par Marin, et l’exposition des plans dans
le salon de la Liberté, le projet fut adopté le deuxième
jour complémentaire de l’an III (18 septembre 1795).
Delleville et Marin furent alors chargés de la direction des
travaux, confiés à Gisors et Leconte. Ceux-ci formèrent
un « bureau de construction » composé de deux inspecteurs,
Hurault et Gisors le jeune, quatre vérificateurs et un dessinateur.
Les deux conseils devant succéder à la Convention en
brumaire an IV (fin octobre 1795), il était indispensable d’accélérer
le rythme des travaux. Activement menés au Palais-Bourbon, ils
furent toutefois plus lents au palais National. Mais le vote par l’Assemblée
d’un long décret de projet présenté le 28
fructidor (14 septembre) par Lareveillière-Lépeaux vint
tout compromette : « I. La salle des délibérations
de chacun des conseils sera disposée de manière que chaque
membre ait un siège commode, avec une table propre à prendre
des notes ; II. Les sièges seront séparés les uns
des autres. Ils seront rangés dans un ordre tel que chaque membre
puisse prendre ou quitter sa place sans occasionner de confusion ; III.
Les sièges seront distribués par série numérique,
et chacun d’eux sera numéroté dans sa série
; IV. Il règnera au-dessous du rang le moins élevé
des sièges une balustrade qui formera autour du bureau une enceinte
parfaitement libre ; V. Les huissiers pourront seuls se tenir dans l’enceinte
tracée par la balustrade… ». Un grand local devenait
donc nécessaire.
On se rendit à l’évidence ; la construction d’une
nouvelle salle dans l’étroit pavillon central du château
devenait impossible. Il fut proposé au Comité d’inspection
d’installer provisoirement les Anciens dans la salle de la Convention
et les Cinq-Cents dans la salle du Manège, en attendant que ces
derniers rejoignent le Palais-Bourbon et que les Anciens prennent finalement
leur place dans le vieux local de l’Assemblée constituante.
Le comité accepta.
Le 6 brumaire an IV (28 octobre 1795), le Conseil des Anciens tenait
sa première séance au château, dans la salle de
Gisors. Certains députés ne parvenaient que difficilement
à s’y accoutumer. A ceux qui espéraient le rapide
transfert des Cinq-Cents au Palais-Bourbon, et celui des Anciens au
Manège, Bayeul, adversaire des travaux qu’il trouvait trop
onéreux, répondait, en pluviôse (février
1796) : « Je sais que cette salle est la plus désagréable
des constructions, qu’on y voit pas commodément, qu’on
y entend moins commodément encore ; mais enfin, par économie,
accoutumons-nous encore à ces inconvénients, prêtons
l’oreille, faisons silence, et nous reconnaîtrons peut-être
qu’il est possible de rester encore quelque temps ici ».