Par ailleurs, des centaines de particuliers avaient
également souffert de la journée par la disparition
d’une partie ou de la totalité de leurs biens. Les
domestiques avaient ainsi perdu leurs habits de livrée dans
le pillage et l’incendie. Une pluie de pétitions réclamant
de la Convention le versement d’indemnités s’abattit
sur l’Assemblée, qui les renvoya pour examen au Comité
des secours publics. Ce ne fut que le 19 septembre1793 qu’un
décret chargea le ministre de l’Intérieur de
répartir
la somme de 118.965 livres entre les différents pétitionnaires,
soit deux cent trente-huit concierges, palefreniers, domestiques,
femmes de chambre, portiers, marchands, cuisiniers et autres personnes.
Mais
ce fut aux véritables victimes de la bataille que les autorités
décidèrent bientôt de rendre un hommage solennel.
Les Parisiens en furent informés le 23 août par ce placard
de la Commune : « Citoyens, une fête nationale sera célébrée
dimanche, en l’honneur de nos frères morts en combattant
pour la liberté. Les représentants du peuple déposeront
au pied de la pyramide, qui sera élevée aux Tuileries,
des couronnes civiques. Que chaque citoyen assiste à cette
fête auguste avec sa guirlande de chêne ou de fleurs,
avec sa couronne, pour la déposer à la fin de la cérémonie,
au bas du monument élevé à la gloire des héros
qui nous ont aidés à vaincre les tyrans ! Que toutes
les couronnes que prodiguera l’enthousiasme y soient amoncelées.
Vieillards, guerriers, femmes, jeunes filles, accourez-y tous avec
vos offrandes ; les fêtes du peuple doivent respirer le sentiment
le plus pur, et ne ressemblent en rien à celles que le commandaient
les despotes. »
La
pompe funèbre eut lieu le 26 août dans le jardin du château.
Une immense pyramide entourée d’encensoirs avait été
élevée devant le pavillon central. Une procession se
présenta au son des trompettes, composée de deux détachements
de volontaires. L’un soutenait un modèle de la Bastille,
l’autre portait des étendards de la garde suisse dont
les patriotes s’étaient emparés pendant le combat.
Les détachements étaient suivis de deux pièces
de canon, de deux sarcophages et de trophées des citoyens victimes
de leur courage. Une statue de la Liberté, les membres de la
Commune et une députation de l’Assemblée nationale
fermaient le défilé. Ce fut alors Chénier qui
prononça un long éloge funèbre : « Hommes
généreux, morts pour la Liberté dans cette journée
mémorable, vous avez été presque tous moissonnés
dans la fleur de votre jeunesse… Vous deviez être plus
longtemps les soutiens de la France, notre mère commune ; mais
si vous avez trop peu vécu pour elle, vous avez assez vécu
pour la gloire. Votre souvenir ne périra point… La postérité
reconnaissante vous proclamera les conquérants de l’Egalité,
les libérateurs de la Patrie… Prêtons tous ensemble
le serment auguste de maintenir la Liberté, l’Egalité,
ou de mourir en les défendant… Qu’il fasse pâlir
dans leur camp les despotes et les généraux ligués
contre nous… Et que la France, heureuse et tranquille, se repose,
après tant d’orages, sous l’abri des lois bienfaisantes,
qui vont consacrer pour tous les siècles les droits et la souveraineté
du peuple. »
Les
orages ne faisaient pourtant que commencer pour elle. La lutte de
la Révolution populaire contre ses ennemis allait bientôt
s’engager. Le 17 août fut crée un tribunal criminel
extraordinaire destiné à juger les suspects de royalisme.
« Le théâtre du crime devant être le lieu
de l’expiration », l’échafaud, jusqu’ici
dressé sur la place de Grève, fut installé sur
la place du Carrousel, devenue place de la Réunion, et le 21
y fut exécuté Collenot d’Angremont, premier condamné
politique, à la lueur des flambeaux car il était déjà
dix heures du soir. La Commune arrêta le surlendemain : «
Le procureur de la Commune entendu, le conseil général
arrête que la guillotine restera dressée sur la place
de la Réunion jusqu’à ce qu’il en ait été
autrement ordonné, à l’exception toutefois du
coutelas, que l’exécuteur des hautes œuvres sera
autorisé d’enlever après chaque exécution
». Alors se succédèrent sur l’échafaud
l’intendant de la liste civile Laporte, le journaliste Durosoy,
le littérateur Cazotte et d’autres encore. On continua
toutefois d’exécuter les condamnés de droit commun
face à l’Hôtel de ville.
L’échafaud
fut définitivement retiré du Carrousel en mai 1793 pour
être dressé place de la Révolution, face à
l’entrée du jardin des Tuileries.