La famille royale.
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Les seules réunions importantes que la reine s’autorisait étaient celles qu’organisait le soir, dans son appartement du pavillon de Flore, la princesse de Lamballe. Mais malgré les efforts de la jeune femme et de Mesdames Necker et De Staël, qui participaient à ces soirées, elle ne parvenait que difficilement à manifester une quelconque gaieté, sans penser à la Révolution qui l’obsédait sans cesse. De plus, la présence des fils du duc d’Orléans, cousin du roi, dont la demeure du Palais-Royal avait constitué un foyer d’idées nouvelles à la veille de la prise de la Bastille, rendait les entretiens difficiles. La princesse finit par renoncer à ses soirées et la reine ne sortit plus de ses appartements.

Marie-Thérèse et le dauphin furent l’objet de toute la tendresse de leur mère. Des deux enfants, la jeune fille était la plus timide. Ne sortant que rarement de sa chambre, elle aimait dessiner des paysages en compagnie de ses femmes, au bas desquels elle inscrivait : « Marie-Thérèse-Charlotte de France, fecit. » Le roi se chargeait de son instruction, lui faisant recopier des épisodes de l’histoire de France. Ce fut le 8 avril 1790 qu’elle fit sa première communion, sans porter la parure de diamants traditionnelle, à Saint-Germain-l’Auxerrois, après avoir été bénie par son père.

Le dauphin était tout différent de sa sœur. C’était un garçonnet tout blond et plein de vitalité. L’abbé Davaux, son instituteur, avait le plus grand mal à lui faire apprécier la lecture. Le comte de Paroy proposa même à la reine de l’éduquer avec une lanterne magique dans laquelle il aurait appris l’Histoire et la religion. Mais le dauphin aimait s’amuser. S’il consentait parfois à jouer au volant avec sa sœur et la jeune Pauline de Tourzel, fille de sa gouvernante, tout ce qui touchait au militaire avait sa préférence. Sa garde-robe comptait un petit costume de garde national dont il aimait se revêtir quand il sortait dans le jardin. L’abbé Antheaume, prêtre de Saint-Eustache, eut même l’idée de créer un régiment d’enfants, le Royal-Dauphin, à l’intention du jeune prince. Le duc de Choiseul de Stainville lui offrit un uniforme de chevalier en carton vernis acier. L’estime que son entourage lui portait poussa même Palloy, le démolisseur de la Bastille, à lui proposer un jeu de dominos fabriqué avec des pierres de la forteresse, que le dauphin refusa.

Le jardin était le lieu favori du prince. Sabre en main, il adorait aligner ses petites pièces de canon, prenant Scipion pour modèle, car « c’était son héros ». C’était à l’extrémité ouest de la terrasse du Bord de l’eau, dans sa partie basse, qu’était aménagé son jardin particulier. On y trouvait des volières, un bassin à canards, une pépinière de fleurs et, au fond, un petit pavillon de trois pièces.

Midi était l’heure de l’ouverture du jardin au public. Le matin, tant que les portes étaient fermées, on ne pouvait y pénétrer qu'avec des cartes de service où étaient inscrits ces mots : « Carte d’entrée du château et du jardin des Tuileries, quand les portes en sont fermées — Ces cartes sont destinées aux personnes qui appartiennent au roi ou à la famille royale ». Peu à peu, l’accès au jardin devint plus difficile ; il fallut bientôt arborer un ruban tricolore pour pouvoir y pénétrer, et l’exhiber aux factionnaires. Quant aux mendiants risquant d’envahir les allées, le maire de Paris ordonna leur arrestation par des patrouilles de surveillance.

La famille royale changea de séjour à quelques reprises. C’est ainsi qu’elle abandonna le château, difficilement habitable les jours de chaleur, pendant cinq mois, de mai à octobre 1790, pour loger à Saint-Cloud. Elle revint toutefois dans la capitale pour la célébration de la fête de la Fédération, le 14 juillet. La veille eut lieu, dans le vestibule du château, au pied du grand escalier, la revue des fédérés des départements, auxquels la reine présenta ses enfants. Le roi et sa famille se promenèrent ensuite dans le jardin, aux cris de : « Vivent le roi, la reine, monseigneur le dauphin et la famille royale ! ».